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Page:Delarue-Madrus - Comme tout le monde.djvu/130

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Comme tout le monde

— Est-ce qu’il m’aime ?… se demande Isabelle, Oui, il m’aime, puisqu’il veut que…

Mais, aussitôt, une voix, dans son cœur, lui répond :

— Non, il ne t’aime pas, justement parce qu’il veut que…


Cette fièvre nocturne, mêlée aux émois des journées, finit par changer quelque chose au gentil visage d’Isabelle. Cet amour et ses complexités la labouraient si profondément que ses traits s’en affinèrent par degrés. La bouche plus rouge, les yeux plus grands, les narines plus mobiles, elle eut bientôt, sur la face et dans ses gestes, un reflet presque pathétique.

Et, parce que l’instinct du mâle le plus morne ne se trompe guère à ces signes, Léon, qui n’était point capable de rien remarquer, sentit ces choses sans les voir.

— C’est extraordinaire comme tu deviens femme depuis quelque temps !… disait-il les soirs en se couchant.

Et par-dessus tous les supplices qui traversaient sa vie, Isabelle connut le plus terrible, celui de voir son mari redevenir amoureux.