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Comme tout le monde

marquis et qu’on a une femme aussi belle, originale et raffinée que madame de Taranne ? Le sentiment du crime et celui de la magnificence bouleversent à la fois l’âme de la petite, enfouie dans son oreiller. Elle a peur d’être « une vilaine femme ». Rien qu’à effleurer de tels sujets, elle doit se sentir dégradée. Mais elle ne peut venir à bout de se mépriser tout à fait. Elle sent quelque chose qui la flatte dans cette aventure, et, cela, ce doit être tout à fait monstrueux ; mais elle sent aussi qu’elle aime, et cela ne peut être mal…

Isabelle ouvre les yeux, les referme. Elle n’arrivera pas à débrouiller le peloton enchevêtré de ses sentiments.

La veilleuse agite des fantômes tout autour de la chambre. Les respirations des petits sont légères, dans le clair-obscur, mais celle de Léon s’accentue jusqu’au ronflement, et, du ronflement, passe à l’étranglement. Isabelle remue dans le lit pour le faire taire. Et, comme elle se retourne, sa hanche touche le corps chaud du dormeur. Celui-là, c’est son mari, l’homme permis, le compagnon médiocre de sa vie médiocre. Celui-là, c’est le devoir, c’est l’honnêteté, c’est l’honneur. Pourquoi de telles choses n’ont-elles rien à voir avec le rêve ?

L’honneur, c’est Léon ; le rêve, c’est le marquis…


7.