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Page:Delarue-Madrus - Comme tout le monde.djvu/162

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Comme tout le monde

— À Pest, murmura-t-elle enfin, les yeux ailleurs, Berkès, notre grand tzigane, me joue toujours cela… J’aime cette czardas depuis l’enfance…

— Oh !… dit Isabelle que cette musique et ce chant venaient de remuer jusqu’aux pleurs, oh ! madame !… Vous regrettez aussi votre pays, n’est-ce pas ?

Elle essaya de se figurer Budapest, où elle n’irait jamais, et ses yeux roux s’agrandirent sur l’inconnu. Mais la réponse de la marquise la déconcerta :

— Oh ! non !… Je n’aime pas Pest. Je déteste Pest !… Mais enfin, que fairre ?… J’aime seulement la musique de mon pays. Cela, c’est ma patrie.

Elle fit un pas, les yeux dans le vide :

— Ce que j’aime, c’est le voyage. C’est changer… C’est m’en aller…

Et, devant cette Nomade, Isabelle sentit plus profondes dans son cœur les racines invétérées qui l’attachaient au sol de son enfance, à sa petite côte de l’Ouest, en face de l’Angleterre.

Elle s’était levée aussi, sans savoir pourquoi. Il y avait, dans tout ce qui venait de se passer, trop d’imprévu, trop de décousu, trop d’originalité. Isabelle ne savait plus où elle en était.

La marquise crut qu’elle prenait congé et ne