Page:Delarue-Madrus - Comme tout le monde.djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
155
Comme tout le monde

représentait la belle-mère, monstre banal des foyers bourgeois, n’en restait pas moins, pour Isabelle, la maman, sorte d’infaillible divinité à laquelle il nous est impossible de trouver un défaut.

Enfin l’accouchement eut lieu. La situation s’en trouva nécessairement détendue. Cet acte fatal, qui, chez les autres animaux, se fait tout naturellement, prend, chez les humains, une allure de catastrophe. Il faut éloigner les enfants comme s’il y avait un malheur dans la maison, courir à la sage-femme, au médecin, dévorer mille inquiétudes, consoler la petite femme qui se tord sur son lit douloureux.

Le mari, dans ces circonstances, apparaît comme un personnage assez ridicule, lui qui, bien qu’étant la cause première du mal, ne souffre pas du tout dans sa chair. Ayant pris plus que sa part du plaisir de reproduire, il en ignore la douleur. Aussi, le jour de la naissance, devient-il une espèce de bourreau impuni, témoin désolé des affres de sa victime.

La délivrance fut longue et difficile. Le docteur Tisserand hochait la tête, la sage-femme pinçait les lèvres, Léon mordait sa moustache, madame veuve Quetel s’agitait. Enfin, comme Isabelle, depuis des heures, continuait à râler vainement, on fit manœuvrer « les fers », et, quelques moments