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Comme tout le monde

davantage d’un caractère plein de précision, sans rêve. Elle inventait aussi des amusements. Assise dans un coin sur une chaise, serrant le passif petit lion contre elle, elle essayait d’imiter avec sa bouche le bruit d’un moteur, remuait ses bras, qui représentaient des roues. Elle jouait « au tricycle à pétrole ».

Mais Isabelle, de même qu’elle avait renoncé complètement à la fraternité d’âme de son mari, ne s’étonnait plus à présent que sa fille fût pour elle une étrangère. Et tandis que l’enfant, excitée, joyeuse, poursuivait son jeu moderne, la jeune maman continuait à songer à ses fées anglaises ; et son enfance à elle reculant toujours plus dans le passé, elle avait la sensation d’être, en quelques années, devenue une mère-grand quelque peu radoteuse.

Pourtant, si elle avait abandonné tout espoir en son mari et sa fille, elle continuait à guetter l’âme naissante du petit lion. Mais c’était avec une certaine mollesse, car, après tout, que lui importait que ce premier fils, qui, physiquement, ressemblait tant à son père, lui ressemblât aussi moralement ? Elle avait maintenant un espoir plus grand, plus vif que tous les autres, et c’était que son troisième enfant fût semblable à elle, devint plus tard son vrai, son seul ami. Fils du rêve, conçu en pleine