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Comme tout le monde

cuisine. Et comme Isabelle, à cause de son nourrisson, faisait momentanément chambre à part, il se produisait dans la vie des époux Chardier une sorte de trêve bienfaisante.

Ils étaient l’un et l’autre comme calmés : elle, moins inquiète ; lui, moins entier. Léon n’avait plus, vis-à-vis d’Isabelle, ces prétentions de beau parleur si souvent froissées par des mots maladroits ; Isabelle avait cessé d’espérer de Léon aucune compréhension de ses rêves confus. Le mépris inconscient, mais agressif, qu’ils avaient d’abord eu l’un pour l’autre dans la première surprise du heurt se transformait lentement en une indulgence résignée, veule. Ils sentaient que leurs querelles, désormais, n’auraient plus le même point de départ. Leurs deux natures, en se rencontrant, ne jetaient plus d’étincelles ; ils étaient, face à face, comme les deux pôles d’une pile usée : leur vie devenait vraiment conjugale.

Sans amertume, Isabelle regardait maintenant, par les vitres de la salle à manger, venir sournoisement l’hiver. On avait, depuis quelques jours, rallumé la salamandre. On ne jouait plus au jardin, sinon une heure après déjeuner.

La gaieté des enfants, d’être ramassée dans une seule pièce, devenait plus bruyante. Mademoiselle Zozo disait des drôleries qui témoignaient toujours