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Comme tout le monde

d’ombre et d’immobilité, touche d’une petite main nerveuse le menton d’Isabelle :

— Maman ?… Tu dors ?…


Au bout de trois mois, le petit Louis esquissa un sourire, premier signe d’humanité. Peu de temps après, il se mit à baver excessivement, et la souffrance des dents commença.

La première dent cherche à percer, annonciatrice de cette denture carnassière qui voudra de la viande au lieu de lait. Ce n’est d’abord qu’un gonflement des gencives encore désarmées, encore innocentes. Comme un cotylédon qui cherche à crever la terre, l’incisive exiguë cherche à paraître à travers la chair sensible et rose qui résiste. Dans la bouche du tout petit a lieu cette lutte sourde ; et sans doute la torture est bien grande, puisqu’il y a des enfants qui sont, à ce moment, pris de convulsions.

Le petit Louis criait nuit et jour, la nuit surtout. Isabelle n’avait plus un instant de répit. Au milieu du silence nocturne, les yeux clignotants de sommeil, elle se promenait de long en large dans la chambre, à la lueur d’une bougie tremblante, cherchant à calmer le petit malheureux qu’elle


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