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Comme tout le monde

garçonnets ; et le même esprit régnait parmi tout ce monde, indestructible.

Seule, madame Lautrement-avoué, restée coquette, gardait, en dépit de l’âge, son allure de jadis, et toutes ses prétentions. Légère et sans enfants, elle continuait à montrer, dans les salons, sa jolie petite figure pincée et dépourvue de timidité. Le ménage Lautrement, d’ailleurs, s’était remis avec le ménage Chardier à la mort de la douairière de Taranne, partie un an après sa belle-fille ; et même, depuis la réconciliation, madame Lautrement multipliait ses grâces autour d’Isabelle.

Celle-ci, réticente, s’en tenait aux conversations banales où l’on ne confie rien de soi. Elle sentait confusément qu’une amitié vraie n’était pas possible avec cette femme superficielle.

Depuis longtemps, l’opinion de la sous-préfecture était faite au sujet d’Isabelle. On la jugeait « renfermée » ; mais c’était la seule critique qu’on eût à formuler sur elle, car sa vie toute droite défiait les potins. On savait définitivement qu’elle ne goûtait point les plaisirs de la médisance. Aussi ne la mettait-on presque jamais au courant des ragots en cours.

Les langues des petites villes, poignards d’une guerre rusée. C’est encore une forme de l’altruisme que la médisance. S’occuper des autres, même