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Comme tout le monde

santé que son frère et sa sœur, afin de pouvoir le dorloter sans paraître injuste.

Cette délicatesse prétendue, elle s’en était servie comme d’un prétexte lorsque était venu le moment de mettre l’enfant gâté au lycée du chef-lieu, comme son frère Léon, — le petit lion de jadis. Parce qu’il toussait facilement, elle avait donc gardé le bien-aimé cadet près d’elle, lui faisant donner des leçons par un professeur de la ville.

L’ancien petit lion, lui, c’est l’enfant qui n’a ni le privilège d’être l’aîné, ni celui d’être le benjamin. Entre sa sœur et son frère, il joue, aux yeux de sa famille, le rôle d’une espèce de personnage neutre. Certes, on l’aime bien ; mais il n’intéresse particulièrement personne.

Quand on l’a mis, à l’âge de sept ans, au lycée du chef-lieu, il a manifesté le désespoir le plus poignant qu’un être humain puisse connaître : un désespoir d’enfant.

Isabelle garde, dans son secrétaire, un paquet des lettres écrites à cette époque par ce petit homme de sept ans, au cœur plus déchiré que celui d’un forçat innocent, que celui d’un amant arraché à sa bien-aimée. Ce violent amour de l’aîné l’a, pour un moment, troublée dans sa quiétude de mère partiale. Puis elle s’est dit, comme les autres mères : « Il s’habituera… » Et cette petite phrase


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