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Comme tout le monde

ter. Alors éclatait en paroles la sourde irritation qu’Isabelle, inconsciemment, cultivait contre son mari.

Depuis que ses yeux s’étaient ouverts à la réalité, depuis qu’elle n’aimait plus ni le marquis ni son amour pour le marquis, il semblait que cette irritation s’établît davantage. Les songes d’Isabelle tournaient dans sa tête lasse. Elle imaginait encore, dans la vie, une espèce de bonheur possible, fait de tristesse tranquille, de quiète solitude, un bonheur qui ne pouvait exister que sans la présence de son mari.

« Retourner vivre au pays… Fuir cette contrée étrangère d’ici, où je n’ai connu qu’heures moroses et désillusions… Retourner vivre au pays, avec mon cher petit Louis, près de ma maman vieillie, dans la maison de mon enfance… Zozo se marierait et vivrait heureuse ailleurs… Léon, l’aîné, terminerait ses études au lycée, puis deviendrait un homme, puis se marierait également. Je ne vivrais plus que pour ce petit Louis… Je serais comme une femme qui n’a qu’un fils unique… L’enfant apprend à chérir le pays de sa mère ; il se forme à l’image de sa mère ; il devient sa mère elle-même. Le petit Louis, c’est Isabelle, Isabelle transposée dans une âme masculine. Tous deux se comprennent et s’aiment délicieusement dans les paysages de