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Comme tout le monde

là-bas, sur la côte de l’Ouest, en face de l’Angleterre… »

Et Léon Chardier, avoué ?…

Isabelle osait à peine aller jusqu’au bout de sa pensée.

Léon Chardier ?… Eh bien, est-ce qu’il n’arrive pas que les femmes deviennent veuves ?

Isabelle jetait un furtif regard sur Léon assis en face d’elle à table, ou lisant son journal, au soir, tandis qu’elle reprisait. Une haine sans cause, inavouée, montait en elle. Elle essayait vite de penser à autre chose. Mais, dans son âme de petite femme honnête, vivait cet embryon qui, chez les audacieuses, chez les effrénées, se transforme peu à peu, se développe, grandit jusqu’au crime, dresse, en face des maris incompréhensifs, les épouses assassines, celles qui n’attendent plus du hasard leur délivrance, mais la préparent, la combinent, puis, une nuit, armées du couteau, du revolver ou du poison, risquent plus que leur vie dans un geste, parce qu’il leur est impossible de continuer à respirer près de l’être qu’elles ne peuvent plus supporter. Embryon du crime qui dort, faible, insoupçonné, non viable, dans le cœur des femmes banales, des femmes mal mariées, des femmes qui, sourdement, désirent devenir veuves…

Isabelle passait la main sur son front comme