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Comme tout le monde

docteur Tisserand, les yeux roux de la petite femme l’interrogeaient. Vieillis tous deux, lui presque blanc, elle presque grisonnante, il y avait entre eux un langage sans paroles et d’une redoutable et rapide éloquence. « Il va plus mal… » répondaient les yeux ardents et noirs du docteur. Alors, par un geste instinctif, Isabelle approchait sa chaise plus près encore du lit, comme si sa présence toute proche était une défense contre la destinée. Cette sorte d’arrogance qu’elle avait eue d’abord en face de la maladie désarmait d’heure en heure. Elle constatait avec angoisse l’affaiblissement de son courage. Il lui semblait que le mal en prenait plus de force.

Au bout de huit jours, égarée, les mains tremblantes, elle sentit que la panique était entrée en elle.

Ses yeux, maintenant, n’interrogeaient plus le docteur : ils le suppliaient.

Congestionné dans ses oreillers, la respiration difficile, les mains en feu, le jeune Léon fixait le vide de cet air absorbé des malades. Pendant ces jours dangereux, il ne révéla pas son âme ignorée, ne prononça pas, comme les mourants des livres, des paroles définitives. Un soir seulement il demanda, de sa voix toujours plus oppressée, en tournant péniblement la tête vers Isabelle :