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Comme tout le monde

Comment pourraient-elles s’élever jusqu’à la pure pensée ? Vous êtes éminemment subjective, comme vos sœurs, parce que vous souffrez comme elles. Et si, ce soir, vous faites cet effort pour songer aux autres, c’est que ces autres vous ressemblent et que c’est encore votre propre histoire que vous cherchez dans la leur…


« Personne n’est heureux… » soupirait-elle intérieurement. Et, comme il arrive d’ordinaire, cette triste constatation était pour elle un chagrin et une consolation. Cependant, elle n’allait pas jusqu’à se dire que les êtres, quels qu’ils soient, quelles que soient les formes de leur existence, ont toujours de quoi s’inventer du malheur, comme si le malheur était nécessaire à la vie humaine ; que chacun a ses raisons de se dire malheureux ; et qu’un peu de vraie sagesse, peut-être, remédierait à bien des maux.

Isabelle sent confusément qu’elle voudrait être sage, mais elle ne sait pas comment s’y prendre. Le rythme de la mauvaise humeur et de la tristesse une fois pris, il est bien difficile de le rompre, surtout quand on n’est qu’une dame, une pauvre petite dame ennuyée, gentille et veule. Les velléités de sagesse et d’intelligence ne peuvent aboutir dans une âme médiocre.