Et voici l’histoire de l’entorse narrée tout au long. Mais Isabelle ne parle pas du marquis.
Léon, tout en riant du récit, a tiré de ses poches une petite boite de bonbons.
— C’est mon premier clerc qui me les a donnés pour Zozo, dit-il.
Isabelle ouvre la boîte.
— Mais, s’exclame-t-elle, je sais comment ça s’appelle, ces bonbons-là ! Ce sont des « tortillons anglais » !
Surexcitée, enfantine, elle raconte : Quand elle était toute petite, sa mère, un jour, lui a fait voir une boîte de ces tortillons anglais et lui a dit, d’un air colère : « Tu les vois, n’est-ce pas ?… Eh bien ! Ça te passera sous le nez ! Tu n’en auras pas ! » Isabelle n’a jamais su pour quelle faute sa mère la punissait si sévèrement, ce jour-là. Ce souvenir est un de ceux qui l’amusent le plus. Elle s’est levée de sa chaise, rit, s’exalte. Léon, assis à quelques pas, a pris doucement son journal. Isabelle, lancée dans ses souvenirs d’enfance, continue :
— Linda, tu sais, Linda, ma petite amie anglaise ? Elle voulait chanter en français. Maman l’accompagnait au piano. Il fallait dire : « Qui, du coin de son fin sourire… » Alors, Linda n’en sortait pas. Elle chantait : « Qui que couenne de sonne fienne sourière… »