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La Figure de proue


Il ne sait rien, ni royauté, ni qu’en sa chair
Foncée, au pur contour de frêle idole mâle,
La lueur de ses yeux brille comme une opale.
Il ne sait même pas qu’il a le regard clair.

Il ouvre ce regard et ne se croit qu’un pâtre
Qui rit et joue avec un parler guttural.
Il ignore sa force. Il ignore le mal
Qu’il fait, qu’il est Circé, Dalila, Cléopâtre.

J’ai vu pleurer de près dans les cils de ces yeux
Une émeraude bleue, une turquoise verte.
La sirène affleurait sur leur surface offerte,
J’y devinais la forme effrayante des dieux.

Ces yeux ! Mon souvenir les boit comme deux sources
Qui me laissent un goût très doux et très amer.
Ils sont le but de vivre et le terme des courses,
Tout ce que j’ai voulu du ciel et de la mer.

Ils sont la joie et la douleur de la musique
Et des parfums, qu’on aime et qui vous font pleurer.
C’est pourquoi je dédie à cet enfant doré
Ma chair spirituelle et mon âme physique.


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