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Page:Delarue-Mardrus - La mère et le fils,1925.djvu/101

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la mère et le fils

lais votre assentiment. Et jamais, jamais, vous ne me l’avez donné. Oh ! comme vous étiez dure pour moi, maman !

Les sanglots le coupèrent un moment. La main qu’il tenait et sa joue baignaient ensemble dans un lac de larmes.

— Poète !… Et voilà. J’ai été valet d’abord, et maintenant, en fait de Tamerlan, je suis saltimbanque. Je suis un dévoyé, je le sais bien. Mais, oh ! maman ! Écoutez-moi ! Comprenez-moi ! Ce n’est pas de ma faute ! Ce n’est pas de ma faute ! Je ne peux pas être comme les autres… Poète ! On a tellement besoin de quelqu’un, quand on est poète ! Et personne ! Personne ! Toujours tout seul, toujours, depuis que j’ai commencé à respirer. Tout seul ! Tout seul, maman ! Tout seul !

Un désespoir furieux lui remplissait la poitrine. Il pleurait en une fois toutes les larmes accumulées sans qu’il le sût. Et c’était sa jeunesse, c’était sa force de garçon vigoureux, c’était son indépendance, son audace, sa formidable personnalité qui criaient au secours dans la nuit, qui demandaient une tendresse toute simple et toute naturelle, l’amour d’une mère, le regard d’une mère.

— Maman ! Maman !… Et voilà ce que vous êtes devenue, maintenant, vous qui m’auriez peut-être aimé un jour ! Maman ! Je suis tout seul ! Tout seul !… Personne ! Personne.

Il se retourna brusquement. La vieille Hortense, épouvantée, était derrière lui, debout, en chemise, silhouette ridicule et nocturne.