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Page:Delarue-Mardrus - La mère et le fils,1925.djvu/140

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la mère et le fils

opposition saisissante à l’amollissante chambre du Claridge.

— Ce qu’il y a ?… Voyons !… Vous vous moquez de moi !

— Je me moque de vous ?…

Il la considérait. Elle avait un tremblement des lèvres, et sa pâleur augmentait encore.

— Cette dame… hacha la petite voix sourde, cette dame… Vous êtes parti avec elle tous les soirs pendant quatre jours. Vous ne l’avez plus quittée… Elle vous envoie des fleurs… Elle est belle ! Elle est riche… Et moi je suis pauvre et laide, je le sais bien… Mais je voulais vous le dire avant que ça arrive ! Parce que moi, je vais mourir.

— Qu’est-ce que vous dites ? Qu’est-ce que vous dites ?

Elle articula, d’une voix sans timbre :

— Vous l’aimez mieux que moi.

Et, sur ces mots, sa figure se décomposa si complètement qu’il crut qu’elle allait tomber morte à ses pieds.

Il fit un pas en arrière.

Amoureuse !

Amoureuse de lui, cette fillette battue, pauvre chien perdu qu’il avait accueilli, caressé par simple humanité.

Elle était allée s’accoter au mur, sentant sans doute venir la syncope. Il s’élança, la soutint. Et son étonnement se traduisait par ce simple mot, sans cesse répété :

— Mais voyons, ma petite !… Mais voyons, ma petite !

— Oh ! je sais bien, reprit-elle de sa voix blanche, je sais bien ce qu’elle est et ce que je suis !… Je comprends parfaitement que vous l’aimiez mieux que moi.

Et, brusquement, comme dans un cri de vengeance, serrant plus fort les épaules qu’il tenait :

— Non, non !… petite Marie. Vous vous trompez ! Je vous aime mieux qu’elle !…

Il la poussait contre le mur luisant et sale, comme pour l’y enfoncer.

— Tu entends ?… Tu entends ?… Je t’aime mieux qu’elle ! Je t’aime bien mieux qu’elle !

Un ricanement court le fit bondir.