Aller au contenu

Page:Delarue-Mardrus - La mère et le fils,1925.djvu/148

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
148
la mère et le fils

nique. Ce cheval, il n’y avait pas encore songé, n’était pas autre chose que le symbole de sa vie.

Il longea les haies également. Il faisait comme si rien de nouveau ne s’était passé. Cette école buissonnière retardait le moment sinistre d’aborder la maison pleine de silence où sa mère n’était plus qu’un spectre.

« Elle était déjà morte, puisqu’elle n’avait plus son âme. Mais son apparence physique demeurait, qui respirait comme autrefois. Ses mains étaient chaudes, je me souviens, et je percevais le rythme de son cœur, quand, tout contre elle, je posais mon front sur le lit. »

Il fut enfin devant la maison. Tout était clos. Les persiennes serrées refusaient la lumière. Qu’est-ce qui se passait dans ces chambres quittées par les humains ?

Le petit jour était plus triste qu’un soir tombant. Irénée eut envie de se laisser glisser par terre devant la porte, et de mourir de regret.

Une hostilité l’accueillait. La maison de son enfance ne voulait plus de lui.

Pris d’une sorte de panique, il se mit à crier comme un enfant qui fait du bruit pour se rassurer. En même temps il donnait des coups dans les volets du rez-de-chaussée ?

— Hortense ?… Hortense ?… Y a-t-il quelqu’un ?… Eh ! là ! le gardien ! Répondez-moi !…

Il en fit tant qu’enfin une persienne fut poussée au premier.

— C’est vous, m’sieu Irénée ?

— Ah ! mère Hortense ! répondit-il dans un sanglot subit. Car il lui semblait, puisque la vieille était toujours là, que l’âme du passé n’avait pu s’envoler encore de la maison calfeutrée.

Il vit la silhouette disparaître de la fenêtre. Un moment plus tard, la porte s’ouvrait.

— M’sieu Irénée ! Je me demandais ce que vous étiez devenu ! Pas de réponse à ma dépêche ! Rien !…

Il se retenait pour ne pas lui sauter au cou… Cette servante ridée et trop respectueuse, c’était tout ce qui lui restait de maman.