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la mère et le fils

— Écoutez… fit-il, d’une voix étranglée. Allez d’abord ouvrir les persiennes, pour que je n’entre pas dans le noir…

Elle y alla. Quand il pénétra, ce fut bien plus affreux encore qu’il ne l’avait imaginé. La chambre était glaciale. Toute chaleur humaine y avait disparu. Les meubles trop bien rangés témoignaient qu’on n’y vivait plus. Rien ne traînait sur la table ; la cheminée froide, avec sa trappe baissée, était plus mortuaire que le reste. Il n’osait pas regarder le lit. Il le vit enfin. Le couvre-pieds était dessus, proprement arrangé, grands plis rigides jusque par terre.

Et, devant cela, le garçon perdit tout contrôle sur lui-même. Il se précipita, tomba sur les genoux, et, comme sa tête roulait à la place de jadis.

— Maman ! Maman ! Maman !… cria-t-il, déchiré par une effrayante douleur.

La vieille avait dû le laisser seul, comme au temps de ses veillées au chevet de la malade.

Ce fut de lui-même qu’il redescendit la trouver, au bout de près d’une heure, à la cuisine. Il avait ses cheveux en broussaille, les yeux gonflés, les joues creuses.

— Revenez avec moi, là-haut, voulez-vous ? Et racontez-moi. Je veux tout savoir.

— Elle n’a pas souffert, allez, monsieur !

— Elle n’a pas souffert…

Brusquement elle s’agita, les yeux peureux :

— Ces messieurs m’ont demandé si je savais ce que vous étiez devenu, m’sieu Irénée. Oh ! ce que j’ai eu de honte de leur mentir devant Madame morte ! Je ne savais plus ce que je devais dire. C’était une responsabilité, pensez donc ! Mais vous êtes si généreux pour moi… J’ai fini par dire que je ne savais rien… Mais… Je crois qu’ils se sont arrangés avec leur vieux notaire… et que… et qu’ils vous ont fait passer pour mort… À cause de l’héritage vous comprenez ?

— Ah oui… dit-il.

Il haussa les épaules.

— Ils ont bien fait.