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Page:Delarue-Mardrus - La mère et le fils,1925.djvu/42

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la mère et le fils

Encore une fois seul avec elle. La mère Hortense ronfle dans le cabinet attenant à la chambre. La lampe éteinte, il ne reste plus que la veilleuse dans un coin, par terre, comme dix mois plus tôt.

Maman dort, elle aussi. Penché sur elle, Irénée la regarde. Il peut s’imaginer que, tout à l’heure, elle va se réveiller et lui dire, comme la dernière fois. « Encore là ?… Mon pauvre enfant, tu ne pourrais pas aller te coucher ?… »

Elle ne dira plus jamais cela, plus jamais rien. Il voudrait être en pleine dispute avec elle, hérissé de tous ses nerfs et la sentant hérissée comme lui. Comme ils se détestaient bien tous deux ! On eût dit que du feu leur sortait des yeux, que des étincelles crépitaient au bout de leurs doigts. Le reste du temps ils n’avaient rien à se dire.

Maintenant, plus trace de nervosité sur le visage qui s’immobilise enfoui dans l’oreiller. Il est entré, ce visage dans un néant qui le repose enfin de tout, un néant vivant plus affreux que le vrai.

Pourtant, que c’est émouvant encore de voir respirer ce cou flétri ! La vie y bat régulièrement, juste à cette petite place blanche épargnée par les rides. Les paupières fermées donnent à ces traits toute leur beauté.

— Son grand front… pense Irénée, ses deux petites nattes grises… son beau nez… sa bouche, sa pauvre bouche triste…

Il se penche plus près. Il a pris la main pendante, et l’embrasse tout doucement, gardée contre ses lèvres. Elle ne s’éveillera pas, cette fois, pour le rabrouer. Elle est tranquille, elle est douce. Elle est à lui comme une toute petite fille qu’il garde.

Ses yeux s’écartent d’elle pour examiner la chambre où les ombres s’agitent constamment selon la petite flamme