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la mère et le fils

rassée, ces messieurs sont très justes pour l’argent. M’sieu Irénée ne restera pas toujours sans manger…

Avec ménagement elle lui révélait qu’il était une bouche de trop dans la maison. Il se redressa.

— De l’argent ? Mais j’en ai ! Je vous en donnerai, soyez tranquille !

Elle le considérait, inquiète.

— Monsieur, on finira bien dans le pays par savoir que vous êtes là…

— Pourquoi ?… Je ne sortirai, si je sors, que la nuit, et seulement dans le parc.

Elle secoua la tête.

— Tout ça c’est pas des choses à faire. Si, un jour, on sait que je vous ai prêté la main ?…

— Eh bien ?… Est-ce que je fais du mal ? Je veux rester avec maman, c’est tout. Si mes oncles me savaient dans la maison, ils me remettraient au lycée, et…

— Et s’ils enlèvent madame, un de ces jours ?

Il retint un nouveau bond.

— Je la défendrai.

Sur ce mot, des drames parurent entrer dans la maison. Le front de la vieille fut barré par la méfiance, l’obstination, la désapprobation.

Pendant un moment, l’étrange petit psychologue l’observa. Ce qu’elle pensait, il le savait. Dès demain elle écrirait ou télégraphierait pour prévenir ses oncles. Il n’était qu’un enfant, et un enfant redoutable qui lui ferait avoir mille ennuis.

Il mit la main à sa poche. Il venait, pendant dix mois, de faire un stage au sein des plus ironiques réalités. Il connaissait, désormais, que la devise des temps actuels se résume en un seul mot : payer.

Un billet de cent francs parut au bout de ses doigts. Pour cent francs on a droit à un mouvement de bonne volonté.

— Tenez, mère Hortense. Ça, c’est pour vous. Vous l’avez bien gagné. Mais si !… Mais si !… Prenez ! Quant à mes intentions, je vous les fixerai plus clairement bientôt. Patientez seulement ce soir et demain. Voulez-vous ?