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Page:Delarue-Mardrus - La mère et le fils,1925.djvu/44

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la mère et le fils

à mes excentricités. Mais celle-là comblait la mesure. Être domestique, quel déshonneur ! Jamais elle n’aurait compris mes raisons. Cela ne m’aurait pas changé. De bonne heure j’ai pris mon parti d’être une énigme pour les miens, et de vivre à ma guise sans explication. »

Il se sentit envahi par son âme la plus autoritaire, agressif, insurgé. Brusquement, son exaltation tomba.

— Pauvre petite !… pensa-t-il. Il vaut mieux qu’elle n’ait rien su.

Il se sentit bien, assis à cette place, dans le clair-obscur, seul avec ses pensées. Il se disait que cette phase ne durerait pas longtemps. Ses oncles finiraient bien par le traquer de nouveau. Que deviendrait-il, alors ? Quitter sa mère ? Ils l’y forceraient d’une manière ou de l’autre. L’un d’eux était son tuteur. Il n’avait pas seize ans. Il ne pourrait rien contre eux.

Pour écarter la rage qui montait, il reprit la main pendante. Ce fut comme une berceuse chuchotée.

— Maman… Maman… Maman…

Il avait fini par la réveiller. Il s’en aperçut à ses yeux ouverts, à son vague sourire infantile. Ce fut alors plus fort que lui. La tenant aux épaules :

— Vous ne me voyez pas ?… Vous ne m’entendez pas ?… Dites-moi quelque chose !

Il était dévoré de passion, ne savait s’il l’aimait ou le contraire. Il avait envie de la tourmenter. Il la cherchait, la voulait pour lui seul. Ces mots entrecoupés, c’était encore une scène qu’il lui faisait. Il était jaloux de ses frères morts, avide de savoir des choses.

— Le médaillon d’Irène… Dites-moi où il est ? Dites-moi où il est !

Il se leva brusquement. Il y avait le petit secrétaire dans