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Page:Delarue-Mardrus - La mère et le fils,1925.djvu/45

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la mère et le fils

cet angle. Le ronflement de la mère Hortense était rassurant. Il alla doucement ouvrir un à un les tiroirs. Tous étaient vides. Les oncles avaient déjà tout pris.

La poitrine grondante, il resta debout au milieu de la chambre. Il y avait des histoires de notaire, des horreurs plein la maison. Les deux vieux richards pommadés et teints, dans leur château, parmi leurs terres, parmi leurs chasses, avaient-ils jamais fait un geste pour aider leur sœur ruinée par la guerre ? Maintenant ils étaient en train de la voler.

« Ce n’est même pas de l’argent familial. Mon père avait gagné ça dans ses industries du Nord. C’était sans doute, mon père, un type dans le genre de mes frères. Je ne me souviens plus de lui. J’étais trop petit. Mais, sans aucun doute, il avait tout du filateur enrichi, comme François et Marcel, ces tristes brutes. Encore une race à détester. »

Il secoua la tête dans une espèce de sanglot :

— Qui est-ce que j’aime ?

Non, il ne se tordit pas les bras. La malade venait de gémir. En deux enjambées, il fut près du lit. Il se coucha sur le drap, contre sa mère, chercha l’épaule, cacha sa tête, pleura de toute son âme.

L’aurore enfin le trouva dans la même pose, endormi de fatigue et de chagrin, comme un tout petit.