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Page:Delarue-Mardrus - La mère et le fils,1925.djvu/60

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la mère et le fils

allait vite. Et revint d’un pas bien brusque pour embrasser aussi le front pâle entre les deux bandeaux gris, achevés en nattes sur les épaules. Et, comme il se redressait pour serrer les mains de la mère Hortense qu’il avait oubliée, il vit qu’avec le coin de son tablier bleu, silencieuse, celle-ci s’essuyait les yeux.

— Tiens ! Jules !… cria la concierge. Par exemple !

Et déjà, dans ses yeux excités, tous les potins de l’immeuble s’annonçaient.

— Madame ?… demanda-t-il vite. Elle est ici ?… Elle m’a remplacé ?…

— C’est-il que vous voulez rentrer ? Je vous croyais retourné au pays ?

— Oui, j’y suis retourné. Mais j’ai pu arranger les affaires, et je reviens. Y a-t-il cinq jours que je suis parti ?

— Je ne sais pas, mais je sais que vous êtes remplacé. Oui, et par quelque chose de propre ! Un Annamite, qu’ils appellent ça. C’est une andouille de Chinois qui a l’air d’un singe et qui fait tourner les sangs au monde. Mais il paraît que ça sait très bien servir, ces Peaux-Rouges-là !

— Ah !… faisait-il, ah !… car il était tout de même assez consterné.

— Et Albertine ?… demanda-t-il enfin. Comment va-t-elle ?

Un instant après, assis en face de la concierge, un verre à la main, il se remettait dans le rythme de la domesticité.

Quand il eut pris connaissance de cette petite chambre, dans ce petit hôtel, il s’en fut dîner dans un restaurant de chauffeurs qu’il connaissait, l’un de ces réduits pour gros peuple où s’affirme le raffinement de la gourmandise française,