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Page:Delarue-Mardrus - La mère et le fils,1925.djvu/77

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la mère et le fils

ses espadrilles usagées, avec sa tête aux cheveux rares, ses paupières fermées, sa bouche amère, il avait l’air d’un misérable cadavre, modeste victime d’un travail au-dessus des forces humaines.

— Pourtant, murmura M. Bourreau, faudra qu’il le fasse sans sciure et tout au haut, dans le vide, sans ça, ça n’intéresserait personne.

Et, facilement, Irénée imagina le même personnage parmi la musique pimpante et les mille lumières du cirque, en prétentieux maillot, pommadé, souriant, tandis que des gens confortablement assis le regardaient faire, en pensant peut-être à autre chose.

D’autres fois, Mlle de Vallombreuse paraissait, venant de dresser ses deux chevaux.

— S’il vous plaît, monsieur Bourreau, une souplesse !

Le chef de gymnastique, figure foraine aux cheveux dentelés, aux moustaches en croc, la commandait, tandis qu’en mesure elle exécutait les mouvements, puis, pour finir, marchait sur les mains. Ce sont des gammes et des exercices qu’il est bon de reprendre de temps à autre. En culotte de cheval, Mlle de Vallombreuse sentait la sueur et l’écurie. Remise sur ses pieds, elle racontait en langue verte ses aventures.

Un matin qu’il regardait, en attendant l’heure — c’était le cinquième jour depuis qu’il avait commencé son entreprise — M. Bourreau mettre au point des exercices de saut, la porte de la salle fut ouverte, et Johny John parut.

En complet sombre et pardessus, de son costume de cow-boy il n’avait conservé que le feutre gris. Rasé de frais, correct, il fit, dans le vague, un tout petit salut de la tête, sans ôter son chapeau. C’était un personnage. Tous les sauteurs s’arrêtèrent.

Irénée s’était levé, saisi.