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la mère et le fils

« Gare, tout à l’heure !… pensait-il. Si je ne suis pas tué ce matin, j’aurai de la veine ! »

Il ne fut pas tué, malgré l’embardée que fit le cheval quand le tour du manège le ramena du côté de Johny John, et cela juste comme Irénée, lâchant tout, se jetait dans le vide.

« Ça y est !… Cette fois j’y suis ! J’ai la tête écrasée. »

Il entendit, à travers la charge des quatre pieds sourds qui menaçaient son crâne :

Don’t be nervous !

Puis, comme pour Dick :

Up !

Alors, d’un mouvement magnifiquement souple, avec une aisance étourdissante, galvanisé par cette voix froide, il se redressa, fut en selle avant d’avoir su comment.

C’était enfin la perfection.

— À présent, mâchonna le cow-boy sans le laisser reprendre son souffle, recommencez. Voici le revolver.

Le cheval, hypnotisé comme son cavalier, galopait à présent plus rythmiquement qu’à l’ordinaire.

Mais, gêné par ce revolver dans sa main, Irénée ne parvenait pas à trouver assez de sang-froid pour tirer.

En trombe il passa, mais ne tira pas.

— Vous, couard !… rugit l’homme. Voulez-vous tirer, le voulez-vous ?

Et comme la chevauchée repassait encore une fois devant lui, la chambrière, habilement maniée par cette main qui jetait le lasso, vint cingler la joue du garçon traîné dans la sciure.

Recevoir un coup de fouet, lui ?… La surprise, l’indignation, la rage lui firent à l’instant retrouver sa présence d’esprit. Comme il l’avait vu faire dans le cirque, exactement comme il l’avait vu faire à Dick, il déchargea les six coups de son revolver : deux à droite, deux à gauche, un en haut, un en bas. Puis il se remit en selle.

— Ça peut aller !… fit Johny John en jetant loin la chambrière.

Sifflotant, il tourna le dos et se dirigea vers la sortie.