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rédalga

ture inouïe, et originale à un point… Quel malheur que tu ne puisses pas l’entendre !

— Je sais bien !… gronda Jude avec désespoir.

— Ce qu’elle aime peut-être avant tout, c’est le buste de ta mère.

— Oui. oui, je sais ça… Veux-tu lui dire que je sais ça ?…

Pendant qu’Alvaro transmettait, il regarda l’Anglaise dans les yeux. C’était, entre eux, un mystère sur lequel ils ne s’étaient pas compris. Mais, mi l’un ni l’autre, ils ne cherchèrent à le dévoiler par l’intermédiaire du tiers. Mrs Backeray regardait aussi le sculpteur dans les yeux. Entre eux passa quelque chose de sacré. Puis Harlingues reprit, sans vouloir rien préciser :

— Veux-tu lui demander qu’elle me recopie un certain poème qu’elle a dû faire à propos de son buste à elle ?… J’aimerais l’avoir, même sans pouvoir le lire.

La réponse fut :

— Vous l’aurez un jour, mais pas tout de suite.

La bouche mince d’Alvaro se relevait.

— Vous n’allez plus pouvoir vous ire de moi, je vois.

Au moment des liqueurs :

— Veux-tu lui dire qu’elle me fait un très grand chagrin les jours où elle sent l’alcool ?

— Oh ! cher, qu’est-ce que tu me demandes ! Jamais je n’oserai traduire une chose pareille !

— Il le faut !… s’écria Jude avec force, et peut-être le champagne qu’il avait bu l’aidait-il, à ce moment. Il n’y a pas que des poèmes dans son histoire ! Alvaro, je t’en prie !… Si tu savais !… Il faut que j’arrive à la corriger, à la régénérer. Elle en vaut la peine, tu peux en juger toi-même aujourd’hui.

— Cher, je ne ferai jamais ça.

— Tu ne veux pas m’aider ? Déjà j’ai tant de peine avec