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rédalga

qu’ici, cette femme, cette étrangère, maintenant sa maîtresse, dont il ne savait absolument rien !

Il alla la rejoindre, regardé de travers par le chien, qu’elle gronda. Soumis aussitôt, il cessa ses menaces. Et, jusqu’à l’heure de se préparer pour le déjeuner, il ne fut pas question d’autre chose que de lancer des cailloux ou des bouts de bois à Flic (Jude s’était informé du nom), qui les rapportait avec des bonds monstrueux.

Après le déjeuner, ils allèrent s’étendre au plus épais de l’herbe, emportant les cigarettes, suivis de leur nouveau compagnon. Jude, à table, avait fait changer de place les couverts pour être assis près de madame… et surveiller son verre.

Accablée de chaleur, Mrs Backeray venait d’ôter sa veste. En blouse de toile bise, elle s’étira longuement.

« Je voudrais bien aussi me mettre en manches de chemise… » songeait Harlingues.

Impressionné par le bon ton de son amie, après le bain pris avant le déjeuner, il n’avait pas osé reparaître en pyjama.

Flic tirait la langue.

— Pauvre Flic, tu es encore plus malheureux que moi. Tu gardes ta peau de bique, toi !

Il tourna la tête. Que faisait Rédalga ? La nuque baissée, ne montrant que sa courte chevelure de feu, les jambes croisées dans l’herbe, elle tressait, à mesure qu’elle les cueillait autour d’elle, des campanules avec des fleurs de trèfle, des ombelles, deux ou trois grandes marguerites attardées après leur saison. Et cet ouvrage poétique, une fois de plus, rappelait la lettre de Rodrigo : « …l’attendrissement anglais pour les daisies, les daffodils, et les lilies… »

Tout occupée, elle oubliait même de fumer. Elle se leva sans avertissement pour aller cueillir d’autres fleurs, quelques