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rédalga

herbes festonnées, suivie des yeux par l’homme et par le chien.

Quand elle revint avec sa gerbe légère s’asseoir à la même place, le sculpteur ayant interrogé : « Qu’est-ce que c’est ?… What is that ?… » Elle ne répondit même pas.

— Elle s’amuse, c’est le principal. Mais que nous voilà loin du bar de Montparnasse !

Satisfait et somnolent, il ferma les yeux. S’endormir dans l’herbe à côté d’elle, au milieu de cette ombre d’arbre étalée comme un tapis persan, c’était si doux, et quel grand repos, tout à coup, dans sa vie toujours fatiguée par un effort qui ne finissait jamais !

Déjà dans les rêves, il sursauta.

— Vous, regâde !… ordonnait Rédalga, triomphante.

La grande couronne de fleurs qu’elle avait faite était sur sa tête, la crinière rousse mêlée aux herbes vertes, une cloche bleue descendue jusqu’à l’épaule, une marguerite sur l’oreille, les ombelles et le trèfle rouge et blanc ébouriffés dans tous les sens. Sa bouche tragique était entr’ouverte. Portant haut le menton, détachée sur le fond bleuâtre du parc, elle composait, en pleine vie, le plus saisissant tableau préraphaélite.

Il s’était redressé pour regarder cela. Poussant une sourde exclamation, il joignit les mains.

— Que tu es belle ! murmura-t-il.

Et, satisfaite de son succès, elle jeta sa couronne avec un petit rire, un tout petit rire bien rouillé qui ne pouvait pas sortir de sa gorge,

Un peu plus tard, les voici visitant la propriété dans tous ses détails, sous la conduite de Gilbert.