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rédalga

Le ciel orageux de la soirée ne tarda pas à descendre sous forme d’averse furibonde. Le lendemain matin, le parc, fouetté par une pluie continuelle, n’était plus qu’un aquarium vert où remuaient des ombres d’arbres.

« Qu’est-ce que nous allons faire toute la journée ? » se demandait Jude avec angoisse.

Il regrettait de n’avoir pas sa terre pour essayer une silhouette de sa Rédalga couronnée du premier jour.

« Ce serait à rester couchés jusqu’au soir, continuait-il sensuellement. Mais c’est inutile de le lui proposer. Elle a ses idées là-dessus, évidemment, et je ne veux pas avoir l’air d’une brute. »

Comme ils se levaient tous deux très tard après leurs nuits, l’heure du déjeuner arrivait vite.

D’un accord tacite, ils restèrent longtemps à table. Tout en les servant, Léontine, qui s’enhardissait, bavarda comme Alvaro l’avait annoncé. Cependant, il fallut bien quitter la salle à manger.

Dans le salon, côte à côte devant une fenêtre, ils regardèrent ruisseler l’eau du dehors. Harlingues, bien qu’il cherchât à s’en défendre, ne pouvait s’empêcher de songer à son atelier de Paris. Quelle joie eût été la sienne de s’y retrouver soudainement, seul ou bien entouré de Samadel, de Krikri, grattant le plâtre ou plongeant dans sa cuve pour bourrer une armature, à grands coups de glaise lancée de loin par paquets, comme des projectiles sur un ennemi !

L’idée qui passa lui coupa le souffle une seconde. « Je prétends guérir ma maîtresse de son alcool, et moi-même en pleine lune de miel, je ne peux pas guérir de mon art ! »

Raisonneur à son ordinaire, il plaida.