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rédalga

« D’abord mon art est une chose noble, et son alcool est une chose basse. Donc, pas de comparaisons. Ensuite, la lune de miel n’existe entre nous que la nuit, seul moment où nous nous comprenions. C’est un croissant de lune de miel plutôt. »

Il se faisait sourire tout seul avec ses plaisanteries intérieures. Rédalga tambourina la vitre. À quoi pensait-elle, elle, en contemplant la pluie ?

Jude cria tout à coup : « J’ai trouvé ! » d’une voix si forte qu’elle sursauta.

Alvaro, la veille au soir, avait dit en montrant la petite bibliothèque du salon : « Il y a un très bon dictionnaire là-dedans. Quand tu ne trouveras pas un mot, cher, tu sais où aller le chercher. »

— Écoute, chérie, darling !… Prendre leçon d’anglais tous les deux !

Gosse, il l’emmenait vers la bibliothèque. Il dénicha facilement le dictionnaire.

Anglais-Français, Français-Anglais ! C’est parfait. Viens t’asseoir sur le canapé.

Elle avait compris. L’un contre l’autre, ils ouvrirent le gros livre sur leurs genoux.

— Commençons, dit-il, par mon poème, celui que tu as récité un jour devant ton buste. My poem !… (Il feuilleta, chercha.) Mon Dieu, que ça va être difficile ! Il me faudrait du papier et un crayon…

Il alla les prendre sur le petit secrétaire, revint s’installer.

Intriguée, elle attendit patiemment, la cigarette aux lèvres.

À force de tourner les pages et de s’absorber sur les mots, il parvint à tracer, au bout d’une demi-heure :

We must translate the poem you have been reciting one day in my studio when Rodrigo was there.

(Nous devons traduire le poème que vous avez récité un jour dans mon atelier quand Rodrigo était là.)