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rédalga

tout, est une cellule dans le système solaire qui n’est lui-même qu’une cellule d’un autre système inconcevable, Quel enfer ! Et un enfer éternel, éternel !… Savoir… Comprendre… Je voudrais être un croyant. Quand je modelais ma Vierge du Nord, j’en étais un, presque. Mais le mysticisme s’évanouit trop souvent dès qu’apparaît un prêtre : Ils nous le rappellent tout de suite : l’Église n’est pas seulement encens, manteaux d’or et tout le beau cérémonial déployé devant l’Invisible, mais il y a aussi la bureaucratie de la religion, il y a le guichet comme dans toute administration. Il le faut, sinon rien ne marcherait, évidemment. Mais des prêtres qui seraient sacrés, qui seraient les vestales du culte !… Tant pis ! Il y a encore un culte, un peu de merveille sur la terre, et c’est déjà beau. J’aurais peut-être mieux aimé les dieux que Dieu, mais puisqu’ils n’est plus de grandes panathénées, vivent les processions ! Qu’au moins cela nous reste, Le jour où la religion disparaîtrait, rien ne nous sauverait plus de la férocité primordiale sur laquelle l’univers est établi. Car la nature, d’un bout à l’autre, n’est que cela : Férocité. Le monde animal s’entre-dévore, le monde végétal s’entre-étouffe, et ainsi de suite. Il n’y a, dans tout cela, que l’humain pour avoir inventé des idées comme : idéal, justice, prière… Ce ne sont peut-être que des mots. Cependant, les foules en vivent tant bien que mal. En dépit des accrocs (Oh ! quels accrocs !) ça tient tout de même. Pourquoi ça tient-il ? Faire des statues, par exemple, est-ce assez bête, aux yeux de la nature ! Pourquoi faire des statues ? Le chien qui lève la patte dessus est sans doute dans le vrai. Boire, manger, dormir, reproduire, respirer, fonctionner, voilà la vie : La férocité, voilà la vie… Heureux les féroces. Hélas ! J’en suis bien loin ! Pas si loin que ça ! Si l’on alignait toutes les bêtes que j’ai mangées depuis ma naissance, tout en cultivant l’art, l’idéal et le reste, quel cheptel ! Je suis aussi féroce que les fauves, puisque je me nourris des mêmes viandes qu’eux ; mais plus