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rédalga

son, Le premier coup de tonnerre fut suivi d’un passage rapide de vent. Tous les arbres en attente frissonnèrent.

— Ça, c’est la pluie dans deux minutes !

La girl allait avoir peur, toute seule dans les bois. Elle allait être mouillée. Inquiet, Harlingues laissa là ses outils, et, sans même retirer sa blouse, il alla du côté de la grille. On croit qu’en parcourant la moitié du chemin on va faire rentrer plus vite les absents pour lesquels on craint.

Où la retrouver dans ces bois ? Un nouveau coup de tonnerre éclata, plus proche de l’éclair. Harlingues sursauta. Du côté de la maison, en réponse à la foudre, sourdement, il venait d’entendre aboyer le chien effrayé.

« Ils sont donc rentrés ? Mais par où ? »

Déjà rassuré, d’un pas vif, il bifurqua.

L’éclair, le coup et l’aboiement nouveaux le frappèrent ensemble à deux pas du perron. De larges gouttes commençaient.

« Mais ils sont dans la maison !… Rédalga n’était donc pas sortie ?… »

Il s’arrêta net. Derrière les buissons qui la dissimulent, la porte de la cave venait de s’ouvrir. Le chien bondit dehors et courut à sa niche. À sa suite, deux formes humaines, Mary Backeray, Gilbert. En apercevant la blouse blanche, ils redisparurent, fermant la porte sur eux. Trop tard. La porte écartée d’un coup de poing, le sculpteur était devant eux.

— Madame s’est… s’est mise à l’abri… commença le jardinier dont la moustache grise tremblait.

Il ne continua pas son mensonge. Le regard d’Harlingues venait de tout voir, les deux verres à moitié vides posés sur le tonneau, plusieurs bouteilles, vin et liqueurs, à côté, les deux chaises face à face.

Pendant qu’il la croyait en promenade, chaque jour, derrière lui qui travaillait innocemment, Mary Backeray, depuis presque une quinzaine, passait son temps dans cette