Page:Delarue-Mardrus - Rédalga, 1931.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
164
rédalga

Dans le parc, le bloc de marbre abandonné devait ruisseler sous l’averse, pierre tombale dont la croix est perdue.

La scène qui se préparait pour la nuit grondait déjà dans la gorge de l’homme, et sa rage augmentait d’autant plus qu’il ne parviendrait pas, il le savait, à se faire comprendre. Il ne pouvait pourtant pas l’étudier d’avance, sa scène, dans le dictionnaire ! Prétendre parler en style télégraphique quand on écume, c’est simplement devenir fou.

À l’heure du dîner, Léontine fut étonnée. Ni monsieur ni madame ne voulurent venir à table. Elle comprit qu’il y avait un drame entre eux, sans se douter du rôle qu’y jouait son mari. Elle alla servir Mrs Backeray dans sa chambre. Harlingues refusa de manger.

L’orage s’est apaisé, le parc s’égoutte dans l’obscurité, la maison est pleine de silence. Bientôt minuit. Depuis longtemps rentrés chez eux, les gardiens doivent profondément dormir.

De toute sa violence refrénée depuis des heures, Jude Harlingues s’élance dans l’escalier.

Réveillée en sursaut, Rédalga vient d’allumer. Elle le voit surgir à la porte de sa chambre, toujours en blouse blanche, et les manches retroussées. Son visage crispé n’a pas repris ses couleurs, ses boucles, sur lesquelles il a tiré toute la journée, sont dressées comme de petits serpents noirs, ses yeux en verre de vitre sont effrayants.

Il bondit vers le lit et saisit sa maîtresse aux poignets, en serrant jusqu’à l’ecchymose.

Parler en style télégraphique ?

— Alors voilà où nous en sommes, encore un coup ?… hurle-t-il. Mais qu’est-ce qu’il faut donc inventer pour te corriger, salope ?