Page:Delarue-Mardrus - Rédalga, 1931.djvu/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
166
rédalga

Bien qu’il la berçât contre son épaule, elle continuait à trembler misérablement.

— Qu’est-ce que tu veux ! Moi, je ne sais plus !… Là !… Calme-toi !… Tu ne comprends donc pas la désillusion que tu m’as donnée ? Avoir fait ça !… Je me demande comment ça s’est passé ! Un jour que tu sortais, probablement ?… Cet ignoble Gilbert était dans la cave. Tu l’as vu. Il a compris que tu avais envie de boire comme lui… Et voilà !… C’est quelque chose comme Ça, certainement. Alvaro m’avait pourtant prévenu. J’aurais dû mieux surveiller. C’est de ma faute, après tout. Et puis tu t’embêtais. Moi, je ne pensais plus qu’à mon marbre, comme une brute — comme toi quand tu penses à ton cognac… Pauvre chérie. Ma girl !… Mais ne tremble donc pas comme ça !… Tu vois bien que je suis gentil, maintenant !… Je t’aime. I love you. Si tu m’aimais, toi, tu ne me jouerais pas des tours pareils. You don’t love me

À ces mots, les seuls qu’elle pût saisir, il la vit se redresser dans ses oreillers. Sa bouche frémissait. À son tour elle se mit à lui parler. Il n’entendait, à travers cet anglais, que les intonations. L’éloquence du geste sobre, du regard sombre, lui, faisait deviner qu’elle suppliait, puis protestait, puis expliquait avec véhémence. Peut-être lui racontait-elle toute sa vie.

Les yeux dardés sur elle, il l’écoutait, déchiré de ne pas comprendre.

L’étrange dialogue se continua longtemps. Ce fut une nuit affreuse, la première sans amour depuis leur arrivée.

Harlingues ne s’était pas couché. Dès le premier matin,