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rédalga

Peu de jours après leur drame nocturne, il pria par lettre Alvaro de venir les voir dès qu’il le pourrait.

Inquiet par le ton de son ami, le Portugais arriva dès le lendemain, au commencement de l’après-midi, pour l’effroi de Gilbert et de Léontine. Se croyant perdus, ils claquèrent des dents en saluant le maître.

— Qu’est-ce qu’il y a donc, cher ?… demanda celui-ci dès que les paroles de bienvenue eurent été dites.

Ils étaient tous trois assis devant la maison, en face de la fontaine à peine dégrossie.

— Oh ! répondit Jude en pesant ses paroles, il n’y a rien du tout. Seulement, je crois que Rédalga s’ennuie. Cela n’a rien d’étonnant puisque, même si je pouvais m’occuper d’elle au lieu de travailler la fontaine, je n’aurais à lui offrir que mon éternel silence. Alors je voulais te demander de causer avec elle et de chercher à savoir ce qui la distrairait. Elle ignore que je t’ai écrit, je te préviens.

— C’est facile, dit Alvaro. Tu as très bien fait de m’appeler. Mais pourquoi, par exemple, ne viendriez-vous pas dîner avec moi ce soir, à Paris ou ailleurs ? Ce serait le commencement de la distraction.

La figure embarrassée de Jude l’étonna. C’était difficile d’expliquer le moment fort mal choisi pour ce dîner où le champagne et les liqueurs ne manqueraient pas de figurer.

— Dîner ce soir ?… Non. D’abord je suis très fatigué quand vient la fin de la journée. Et puis nous sommes si bien ici. Heuh ! Enfin. Je préfère remettre à plus tard ta si gentille invitation.

Alvaro n’a jamais besoin qu’on insiste. Sa finesse est de celles qui saisissent d’avance toutes les nuances. Sans rien ajouter, il se tourne vers Mrs Backeray. La conversation s’engage. Tandis qu’ils se promènent en parlant dans le parc, Harlingues a repris ses outils et se remet au travail.

— Voilà, cher. Profitons de ce qu’elle cueille des roses.