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rédalga

tendre et distinguée ; goûter son intelligence qu’il savait là, prête à se révéler dès que les mots lui ouvriraient la porte ; sentir sa compréhension, l’exalter sans cesse, — un si proche avenir lui semblait la revanche de tout ce qu’il avait souffert, à l’abandon parmi ses statues glacées, alors qu’il s’ignorait aussi malheureux qu’il l’avait été.

En entrant dans son atelier, il fut saisi par le froid qui tombait des murs et des plâtres, montait du pavage humide. Avait-il pu vivre là-dedans si longtemps tout seul, pauvre garçon sans histoire que nul n’attendait son travail fini, que nul n’embrassait quand il venait de terminer une belle chose, force mâle qui ne protégeait personne, grand cœur qui n’aimait personne…

Il écouta pendant un moment la pluie cingler le vitrage. À Bellevue, ce soir, il retrouverait le feu, le repas, la femme, tout ce qui réchauffe la vie d’un homme, tout ce qui constitue ce qu’on appelle le foyer.

— Chérie !… murmura-t-il.

Il tourna la tête. Le buste de sa mère le regardait. Enfantinement, gravement, il lui fit part, en pensée, de son prochain mariage.

Samadel, Krikri, d’autres encore, il était allé voir tous ses gens, leur donner des instructions retardées et nécessaires. Il eut encore le temps de passer à son logement, salué dans la cour par sa concierge.

« Si elle savait que, bientôt, je reviendrai marié !… » se répétait-il, pendant que cette femme bavardait.

Il vit en imagination sa garçonnière transfigurée.

— Elle s’étendra sur le divan, ici, pour fumer et lire dans sa méthode. Elle mettra là son panier à ouvrage. À