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rédalga

Mais madame a attendu jusqu’à sept heures, pour tout expliquer ce qu’il y avait dessus.

— Comment a-t-elle pu vous expliquer, puisqu’elle ne parle pas français ?

— Madame s’est fait comprendre tout de même, monsieur. Laisse-moi parler, Léontine ! Elle est venue à la cuisine, à sept heures, donc, et elle a dit, je l’entends encore : « Monsieur pas rentrer, mais moi aller à Paris. » C’est là qu’elle nous a fait voir la dépêche, qui était en anglais et signée de M. le comte, et elle a dit : « Vous voyez ? Monsieur dites-moi venir Paris ce soir. »

— Et, tout de suite après, elle a dit à Gilbert : « Vous porter bagage. »

— Elle n’a pas diné ?

— Non, monsieur.

— Alors ? Alors ? Continuez !

— Alors, ma foi, Léontine est montée avec elle dans sa chambre.

— Laisse-moi donc parler, puisque c’est moi qu’étais avec elle ! Je suis montée. Sa valise était faite en haut. Elle avait ramassé tout dans la chambre, comme monsieur a pu le voir. Elle a mis son chapeau, sa veste par-dessus son chandail, et puis le cache-nez, et puis elle m’a serré les mains et elle a très bien su dire : « Adieu, Léontine ! » Et elle m’a même donné un pourboire, et un joli pourboire, monsieur, je vous assure. N’est-ce pas, Gilbert ?

— Continuez ! Continuez ! Alors ?

— Alors Gilbert a pris la valise que je lui avais descendue, et il a suivi madame à pied jusqu’à la gare… Raconte, toi !

— Je lui ai pris son billet pour Paris, des secondes, qu’elle m’avait fait avec deux doigts, et je l’ai mise dans le train. Et elle m’a donné pour ma course. Ça, elle a du cœur ! Et elle m’a serré aussi la main en disant : « Adieu ! »