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rédalga

— Justement, monsieur ! C’était assez embarrassant ! Elle me parlait bien, mais moi je n’y comprenais rien. Alors, elle m’a emmenée dans la salle à manger, elle a ouvert le buffet, et elle m’a montré qu’il fallait lui donner les gâteaux secs du dessert et le vin rouge de la table.

— Ah ! Ah !…

— Ben, monsieur, je sais bien ce que monsieur pense. Mais j’y pouvais t’y quelque chose, moi ? Ce coup-ci, c’est pas Gilbert qu’il faut accuser. Il était à son jardin ou chez nous. On ne l’a vu que très tard à la cuisine. Alors, monsieur, moi je ne pouvais pas surveiller madame au salon. C’était trop mal poli. Qu’est-ce qui aurait supposé ce qui se passait ? J’étais dans ma cuisine. Je n’ai rien entendu.

La phrase d’Harlingues ne fut qu’un souffle.

— Alors, n’est-ce pas, elle a bu ?…

Les prunelles de Léontine montaient sous ses vieilles paupières tandis qu’elle levait la main au ciel. Gilbert, détourné, tordait sa moustache grise.

La jardinière reprit entre ses dents :

— Monsieur n’a qu’à regarder au salon. J’ai tout laissé comme c’était. Quand j’ai vu ça ce soir avant d’aller me coucher.

Elle ajouta, tout en hochant la tête :

— Et pourtant, quand elle est venue, à sept heures, nous dire qu’elle partait, on n’aurait jamais deviné ça.

Elle se tut. Un silence encore, plein de choses qui dépassaient les paroles.

Gilbert, au bout d’un moment, cessa de tordre sa moustache. Le questionnaire, maintenant, allait changer de bord.

— Alors, comme ça, monsieur n’attendait pas du tout madame à Paris ?

Curieuse, Léontine continua :

— Alors, le coup de la dépêche, c’était pas vrai ?…

Le menton tendu, tous deux attendirent l’histoire.