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rédalga

régénérée sur laquelle le mauvais passé n’a plus aucune prise.

Quatre heures et demie.

Ce n’est pas elle qui se souvient, c’est l’animal qui se réveille.

Il réclame péremptoirement son dû. Encore une fatalité. Rien n’a été prévu pour cette heure impérieuse. Le vin rouge et les biscuits donnés par Léontine, c’est toujours de l’honnêteté. Mais le vin rouge n’a pas l’accent du porto de tous les jours. Un seul verre ne suffit pas pour le remplacer. Elle en boit un second. À ce moment, il faudrait sonner pour faire enlever tout. Elle s’ennuie. Sa tête n’en peut plus d’avoir retenu des mots. Il pleut. Une belle promenade avec Flic, dans les bois, la mènerait allégrement jusqu’au dîner. Après le dîner, elle se coucherait tout de suite pour dormir en attendant le cher retour. Elle se remet à tisonner. Sa gorge est sèche. Le vin est là. Personne ne la verra.

Le troisième verre est le commencement du désastre. Le démon endormi s’agite, reconnaît son ancienne fureur. « Encore ! encore !… » demande-t-il. Et la bouteille de vin se vide. La pluie n’existe plus, l’ennui s’est envolé. Dépêchons-nous d’entretenir cet état merveilleux. Dans le buffet de la salle à manger, il y a le flacon de cognac aperçu tantôt en prenant le vin. Clandestine, coupable, à pas de loup elle va chercher la miraculeuse chose. Et maintenant elle ne voit plus rien que la joie détestable de la rechute.

Après ?… Après voici l’horreur, le ressort caché qu’il fallait découvrir. Elle se souvient d’une certaine nuit où, recroquevillée dans les oreillers, son regard fut celui de Desdémone. Elle a peur, ô douleur ! éternel remords ! Elle a peur ! Et c’est parce qu’elle a peur qu’elle décide de s’enfuir, se sachant impardonnable.

Elle pourrait cacher les témoins de sa faute. Pourra-t-elle cacher que son haleine est à l’alcool, son visage pétrifié par