Page:Delarue-Mardrus - Rédalga, 1931.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
29
rédalga

preintes signe la statue d’une signature impérieuse et cachée.

« C’est à mon tour, pensait Harlingues, de tirer du néant ma mère, elle qui m’a modelé dans son corps. »

Il recula largement pour juger son travail, et resta saisi de ce qu’il avait fait.

— C’est elle !… murmura-t-il en devenant un peu pâle.

Il regardait, le cœur battant, regard de fils et regard d’artiste, chaude expression d’amour et clignement d’yeux plein de critique.

Il n’eut pas le temps de s’attarder à cette minute intense. La porte poussée, entra, maigre, busqué, blanc de plâtre, la « barbe en pointe et qui, blanche aussi, faisait plus noirs ses yeux toulousains, Samadel, le maître mouleur, longue blouse de travail et casquette sur les sourcils.

— Bonjour ! fit-il de tout son accent solaires. Comment vas-tu ? Oh ! C’est bien, ce que tu as fait là !

Harlingues se retourna, la figure encore pétrie de son émotion.

— C’est maman !… dit-il, haletant, sur un ton d’écolier.

Puis :

— Tu arrives joliment à propos, vieux ! Nous allons mouler ça tel quel. J’ai trop peur de l’abimer. Je pourrai toujours le retravailler sur les plâtres, car tu vas me faire un bon creux.

— Bien, répondit Samadel.

Et ses yeux professionnels calculaient déjà les coutures nécessaires.

Ce collaborateur des plus grands sculpteurs met autant de foi, de goût et de probité dans son artisanat qu’ils en mettent dans leur art. Il est d’une race à peu près perdue : celles des mouleurs amoureux des œuvres qu’on leur confie, et qui, les jours de vernissage, aussi anxieux du succès que les auteurs, sont les premiers au pied des statues.