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rédalga

— Je te croyais parti ! s’écria Jude.

Il présenta :

M. Samadel, l’as des-mouleurs ; M. Kriegel un de nos meilleurs praticiens ; le comte Alvaro de Vasconcellos da Silva, un ami des arts.

Aux yeux en grains de café, rien n’échappe.

— Mais c’est le buste de ta mère !…, Quel chef-d’œuvre, Jude ! Tu vas le laisser comme ça, j’espère !

Pendant qu’il s’approchait pour mieux voir et même toucher, les deux autres s’éclipsèrent.

— Comme tu lui ressembles !…

Ils se regardèrent, taisant des attendrissements. Après un long silence où le Portugais contempla l’œuvre sur toutes ses faces, brusquement il changea l’atmosphère.

— Écoute, cher ! J’ai décidé que tu allais travailler pour moi. Tu connais ma petite bicoque de Bellevue. Je n’y vais pas cet été parce que, depuis que je ne t’ai vu, je m’arrange un pied-à-terre ici, sur la rive gauche. Tu comprends, je cours les antiquaires, l’Hôtel… enfin, c’est la passion déchaînée. Tu me connais. Alors je veux profiter de ce que je n’habite pas Bellevue cette année pour y faire faire des changements. Il y a longtemps que je rêve d’une fontaine devant la maison, avec le décor du parc derrière. C’est toi seul qui peut m’exécuter ça. Tu vas me dire quel jour tu viendras voir l’emplacement. Mais, tu sais, ce ne sera pas comme pour mon buste… (Harlingues fit un mouvement.) Non ! Non. Ne payer que le marbre et les frais, je trouve ça dégoûtant. Ça ne peut pas continuer. Je veux…

— Voyons, Alvaro ! Tu oublies que j’ai vécu près de trois ans des deux bustes que-tu m’as procurés pour tes compatriotes. Jamais je n’avais touché des prix pareils.

— Ce n’était même pas assez payé !… Mon petit Jude, tu vas m’obéir. Je veux ma fontaine aux conditions que tu mérites. Sinon, j’y renonce, et ce sera vraiment un chagrin.