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rédalga

Je vois dans tes yeux que la maquette se dessine déjà. Ce n’est pas vrai ?

Jude se mit à rire, embarrassé.

— Bon ! Alors plus un mot pour l’instant. Nous en reparlerons.

— Alvaro, je n’accepterai jamais, tu entends ?… Tu me désobligerais.

Alvaro tendit son étui à cigarettes.

— Chut !… Ah ! je voulais te dire : Rodrigo va venir me rejoindre tout à l’heure. Il a une envie terrible de voir ton atelier.

Il enchaîna pour empêcher Jude de parler :

— Tu sais, il est devenu complètement fou, avec son Anglaise ! Il est allé la voir dans son hôtel borgne, elle lui a récité des vers… Elle doit lui en donner de manuscrits car, d’abord, elle les récite dans ses dents étant toujours à moitié saoule, et puis, la poésie anglaise, même quand on est très calé, c’est horriblement difficile à comprendre. Ces animaux-là, par orgueil national, n’emploient que des mots saxons… Enfin, voilà ! Je crois que Rodrigo va devenir amoureux.

— Non !

— Mais si, cher !

— Ce serait à se tordre !… s’exclama Jude en tapant sur ses cuisses. Un beau garçon comme ça ?… Ce n’est pas possible !

— Tiens, le voilà. J’entends sa voiture qui s’arrête. Nous allons bien le faire marcher !

Mais Rodrigo n’était pas seul.

— Mrs Backeray, dit-il en entrant, a voulu m’accompagner.

Il s’effaça cérémonieusement. Elle ne salua pas, ne dit pas un mot. En sa piteuse tenue, elle se tint à l’entrée de l’atelier, les yeux au sol et comme prête à se sauver, et ne