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rédalga

Alväro s’animait. Ils allèrent tous ensemble vers l’énigmatique figure remisée dans la poussière et l’ombre et dont le plâtre se patinait déjà.

Après un long silence, Mrs Backeray se prononça :

— Elle dit que ta prêtresse connaît le mystère de toutes les religions, aussi bien la nôtre que la sienne, car elles sont toutes les mêmes par le mysticisme d’une part et la mystification de l’autre… (Elle va fort, la poétesse !…). Attends… elle parle encore… Bon ! Tiens-toi bien. Elle dit qu’elle n’a jamais vu, même dans les plus-beaux musées ; une œuvre comme celle-là. Ça, nous sommes de son avis, n’est-ce pas, Rodrigo ?

— Madame, fit Jude en avançant la vieille chaise, veuillez donc vous asseoir.

Et ce geste ingénu fit rire aux larmes les deux étrangers.

Ils jugèrent qu’il fallait plutôt lui donner des cigarettes.

Jude tendit son paquet, qu’elle prit sans remercier. Un instant plus tard il s’aperçut fort bien qu’hypocritement elle enfouissait ce paquet dans son sac à main.

Il eut pitié de cette pauvreté : Sans faire remarquer ce qu’il avait surpris :

— Je voudrais bien voir sa figure. Son chapeau cache tout et elle baisse toujours le nez.

Take off your hat, please !… l’interpella Rodrigo.

Mais elle refusa, têtue, le cou dans les épaules.

— Elle doit être chauve ! raillait. Alvaro.

Il s’avança d’une enjambée dansante, et souleva le feutre, Un gros chignon d’étoupe poussiéreuse et rouge, un grand front. Vite remis en place par deux mains furieuses, le chapeau enfouit de nouveau le tout.

— Elle ne serait peut-être pas laide… (c’était Rodrigo qui parlait). Son profil a l’air assez bien. Mais on en juge mal, car, même dans son hôtel, elle a toujours gardé ça sur sa caboche.