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rédalga

— Elle n’est pas mal bâtie… concéda Jude dont l’œil voyait les squelettes des gens. Il y a de l’élégance dans sa raideur.

Alvaro :

— Peuh ! Une Anglaise de quarante-cinq ans qui lève le coude, comme tant d’autres… Une dévoyée. Moi, elle ne m’intéresse décidément pas.

Et tous trois la regardaient et parlaient d’elle comme d’un animal.

Alvaro reprit :

— Dis-lui qu’elle nous récite des vers, au moins. Tiens ! Installons-nous sur la table à modèle.

They want a poem !

Elle ne leva pas les yeux à ces mots de Rodrigo. Durement, elle répondit :

No !

Mais, longtemps après, comme ils s’étaient décidés à parler d’autre chose, elle remua sur sa chaise, se frotta le nez, tira sur l’une de ses mèches rousses, et, se renversant un peu, les paupières toujours baissées, elle se mit à scander, de cette voix en dedans qu’elle avait, et sur le ton étrange de la divagation.

Attentifs, ils se turent, tendus pour l’écouter. Mais, dans ce murmure sourd, ils ne discernèrent que peu de mots.

Tout à coup, elle s’arrêta :

— C’est peut-être épatant, dit Alvaro. Mais quand donc va-t-elle te donner les manuscrits ?

Il posa la question en anglais. Elle répondit :

— Un jour.

Puis, sans plus s’occuper d’eux, elle allongea la main pour une cigarette, que Rodrigo lui donna.

— Ce serait intéressant de la tirer au clair… Vous ne trouvez pas ?… demanda-t-il.

— Cher, il faudrait d’abord la baigner, la démêler et