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rédalga

Dans le papier de journal, il y avait de grandes mèches rouges tordues les unes sur les autres, ses cheveux qu’elle avait coupés ou fait couper, et qu’elle lui apportait, baroque idée d’ivrogne.

Il avait l’air si ahuri avec cela dans les mains que, pour mieux expliquer l’affaire, sans doute, elle retira brutalement son chapeau. Une tignasse furieuse, crêpelée et de la même couleur que le couchant passant au travers, apparut sur le fond de la porte ouverte.

— Ah !… fit-il.

C’était saisissant et c’était beau, certainement.

— Eh bien ! s’écria-til, ça y est ? Vous les avez coupés ?… Comme vous avez bien fait ! Vous avez une chevelure magnifique.

Poliment, il essaya de traduire :

Very well… Hair… cut… much… better…

Et ces mots difficiles s’accompagnaient de grands coups de tête, comme pour aider le vocabulaire récalcitrant.

Après cela, ne sachant que faire, il lui rendit son paquet. Elle le reprit tristement, toujours sans mot dire et sans bouger de sa place, et l’enfonça dans la poche de sa veste, geste d’automate.

Assez embarrassé, gauche, Jude avança la chaise avec des signes. Puis il alla tourner l’électricité, puis il revint fermer la porte. Ces divers mouvements tenaient de la place et remplaçaient des paroles.

Elle ne s’assit pas, mais elle avança vers le milieu de l’atelier. Elle titubait. Inquiet, il la regarda faire. Sous la lumière crue de la grosse ampoule, la chevelure éclatante jetait des ombres sur le visage défait et brutal dont les yeux très enfoncés n’étaient plus que deux cavernes profondes. Harlingues, malgré lui, cligna vers ce sujet qui se sculptait devant lui si curieusement. Mais, tout à coup, il vit la femme