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rédalga

n’allait faire que de la mauvaise besogne, et peut-être même détruire de la beauté.

D’un geste vaincu, triste, il essuya ses ébauchoirs et les rangea dans la vieille boîte. Puis, ayant arrosé l’ébauche, il défit sa blouse. Il n’avait plus qu’à s’en aller.

Il n’était pas tard. Qu’allait-il faire jusqu’à la nuit ?

Un désir d’enfant lui venait d’être, ce soir, invité par quelqu’un. Alvaro n’était pas à Paris. Il chercha, parmi ses camarades, chez lequel il pouvait aller frapper. Il ne trouva personne. Il était tout seul dans la vie.

L’idée de rentrer à cette heure chez lui l’effrayait. Son pauvre logis n’avait pas l’habitude de l’accueillir dans la journée. Il n’y trouverait qu’hostilité, silence ; et des rêveries neurasthéniques l’y attendraient.

— Je pourrais peut-être me coucher et dormir… se disait-il,

Il regarda sa table à modèle, le vieux coussin qui traînait par terre. Dormir là, parmi ses statues, valait mieux que de retourner vers son lit nocturne.

Il ramassa le coussin, le disposa sur la table, avec la certitude qu’il faisait inutilement cela. Ce n’est pas parce qu’on a le cœur gros qu’on dort, au contraire.

Un mot affreux restait dans sa Ode serrée : « je m’ennuie. »

Il leva les yeux vers les planches étagées jusqu’au haut des murs. Il y avait bien des rangements à faire dans son atelier. Les mains molles, le regard perdu, son impression était d’être tout à coup jeté dans le néant.

Il avait déjà connu ces dépressions d’artiste. Ces jours-là, seule l’idée du suicide lui était agréable.

Il s’assit sur la chaise unique qu’il possédait ; et il ne savait vraiment plus que devenir.

Il lui sembla qu’on grattait à la porte. Il finit par en être agacé. Violemment il se leva pour aller ouvrir, constater