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plus que par le bout des doigts. Maintenant elle regardait ailleurs, et ses sourcils étaient douloureux.

« C’est comme ça qu’il faudrait la faire », pensa-t-il.

— Écoutez ! You poser pour moi. Je voudrais.

Il lâcha le bout des doigts pour s’expliquer par gestes. Il modelait dans le vide en la regardant, montrait sa cuve de glaise, tapait sur la selle inoccupée, avançait la chaise pour la faire asseoir.

— Vous voulez bien ?… Yes ?

— Moâ ?… s’écria-t-elle en se frappant la poitrine. Do you mean you want te make my portrait ?

— Oui !… Oui !… Oui !… s’exclama-t-il en même temps qu’elle. C’est ça !… Poser pour moi !… Your portrait !

Elle lui mit la main sur l’épaule. Une émotion passait sur son visage. Et puis, sans qu’il s’y attendit plus que la première fois, elle se pelotonna contre lui.

— Ma chérie… murmura-t-il.

Ils restèrent un moment joue à joue, chastement. Il avait bien envie de l’embrasser, mais il se retenait. Désormais, il lui laissait l’initiative des gestes graves. Le nez chatouillé par les cheveux fous, il la garda sur sa poitrine tant qu’elle voulut. Enfin, elle se dégagea. Ce fut pour courir s’asseoir, le menton haut, déjà dans la pose.

« Elle est contente !… » se dit-il avec un rire de plaisir.

Et, comme il allait vers ses boîtes désordonnées, elle se retourna pour le suivre des yeux.

I must… établir armature.

Elle comprit en le voyant faire.

— Oh !… I see ! … disait-elle, intéressée.

Pendant qu’il faisait les préparatifs, elle lui demanda des cigarettes. Et, dès cet instant, elle ne cessa plus de fumer.