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rédalga

Il chercha, lorsque enfin il put commencer à manier la terre, comment lui faire comprendre l’attitude et le regard qu’il voulait. Elle s’était assise, raide et figée, sans oser même remuer les paupières.

— Non !… répétait-il. Pas comme ça…

En face d’elle, il essayait de l’imiter quand elle avait son expression douloureuse.

Ils firent ainsi la pantomime pendant un bon moment avant qu’elle eût saisi sa pensée.

— Aoh !… Compris ! s’écria-t-elle tout à coup. You want me te be sad !

— C’est ça ! Je veux que vous soyez triste.

— Mais moâ non triste, aujoûd’hui.

— Ça c’est gentil !…

Il lui embrassa les mains. S’il avait pu lui parler, certainement il eût vite renoncé à la sculpture.

Une heure passa dans le silence du travail. Elle fumait. À quoi pensait-elle ? Maintenant qu’elle ne se forçait plus, son expression naturelle revenait graduellement envahir ses sourcils, ses yeux, les coins de sa bouche.

Empoigné par son sujet, Harlingues respirait fort.

Kriegel seul vint interrompre. Il ne s’étonna pas de ce modèle qui n’était pour lui qu’une dame, une commande. Après avoir parlé des affaires qui l’amenaient, il repartit.

À la fin de cette après-midi laborieuse et concentrée, déjà les intentions du buste se dessinaient. Mrs Backeray vint regarder, et ses mains applaudirent comme au théâtre.

Les linges posés, la blouse ôtée, Harlingues fut un instant perplexe. Fallait-il inviter l’Anglaise à dîner avec lui dans un restaurant, la ramener simplement à son hôtel ?

Tremblant de l’indisposer :

— Dîner avec moi ?…

Elle secoua la tête. I] n’insista pas.

— Vous ramener hôtel ?