Page:Delarue-Mardrus - Rédalga, 1931.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
82
rédalga

Let us go there ! … proposa-t-elle.

Il la retint par le bras.

— Non ! Non ! Là, pas trouver thé !… No tea ! … expliqua-t-il en riant.

Mais elle, continuant son impulsion :

— Ici, bon…

Derrière elle, il pénétra, surpris et gêné pour elle, comprit subitement, et rougit jusqu’aux oreilles.

Devant le zinc, tranquille, elle choisit du doigt parmi les bouteilles de toutes couleurs.

« De l’eau-de-vie à cette heure-ci ?… » fit-il entre ses dents.

— Vous en voulez aussi, monsieur Harlingues ?… interrogea, souriante, amusée, la fille qui le servait d’ordinaire à table.

— Non… Moi je prendrai plutôt un peu de porto.

Il retint ce qu’il eût voulu dire, honteux de baragouiner son anglais grotesque devant cette servante et les deux ouvriers présents dans l’ombre. Boire de l’eau-de-vie à jeun, au beau milieu de la journée, n’était-ce pas une chose effarante ? Déjà le porto dans lequel il trempait ses lèvres lui montait instantanément à la tête.

Mrs Backeray vida son petit verre presque d’un trait. Et, tout aussitôt, elle montra là bouteille de porto.

— Moâ, ça aussi !

Il fut sur le point de crier : « Non ! », se retint encore. Mais, dès qu’elle eut avalé ce second verre, il s’empressa de payer. Entraînée par le bras, Mrs Backeray le suivit dans la rue :

Ils n’avaient pas dit un mot. Ils se retrouvèrent dans l’atelier, toujours muets tous deux.

Harlingues, le cœur serré, repassa sa blouse. Sa belle joie était finie. « C’est vrai ! se disait-il, elle boit… »

Lui parler ! Développer tout ce qu’il fallait pour qu’elle